Les Cinéphiles, ces oubliés du Festival de Cannes
ACCREDITATION – Les cinéphiles sont prêts à tout pour accéder aux projections des films en compétition, mais n’y arrivent pas souvent…
Un cinéphile à la recherche d'une accréditation, à Cannes, le 12 mai 2010./B. Dubuc
Dès le matin, devant le palais des Festivals, outre les photographes et les cameramen déjà installés pour la montée des marches de 19h, de nombreux anonymes patientent. « Pas pour monter les marches, ni pour voir les vedettes, explique Jacqueline, 60 ans. Mais par amour du cinéma ». Ils se remarquent facilement, avec leur petit panneau demandant une invitation pour la projection des films en compétition de ce soir.
Jacqueline et son mari Guy sont là depuis 7h30 ce jeudi matin. Guy a même pris une semaine de vacances pour voir les films, « par passion du cinéma » comme il dit. Cependant, pas sûr qu’il puisse entrer. En effet, s’ils sont en possession d’une accréditation « cinéphile », le plus bas niveau d’accréditation, elle ne leur permet pas de rentrer dans toutes les salles, et surtout pas de voir les films en compétition.
Des pancartes pour ne pas déranger
L’an dernier, les organisateurs ont décidé d’exiger une invitation pour assister aux projections. Les cinéphiles se sont donc retrouvés en rade aux portes du palais. Mais ils ont trouvé la parade. « Au début, les gens demandaient aux personnes qui sortaient du palais s’ils avaient des invitations. Nous, pour ne pas déranger, on a préféré faire des panneaux », raconte Guy. Et il y en a de plus en plus, allant de la simple feuille A4 avec le nom du film, au panneau décoré sur le thème du film recherché, ou carrément à l’ardoise accrochée autour du cou.
Mona, 61 ans, préfère pour sa part demander directement aux personnes qui sortent. Sa façon de ne pas jouer à un jeu qui la met en rage: « Les cinéphiles sont devenues des quantités négligeables, alors que, quand même, c’est eux qui font le film! », critique-t-elle. « On est obligés de quémander, presque de faire la manche! C’est assez fatigant, et on dépend du bon vouloir de ceux qui ont des invitations, souvent obtenues par relation ». D’autant plus que le système est loin de porter ses fruits. « Chaque année c’est de plus en plus difficile: les conditions sont de plus en plus restrictives de la part des organisateurs, et il y a de plus en plus de monde », note Guy.
Bagarres et jeu de hasard
Autre facteur à prendre en compte: le buzz engendré par le film. « Lorsque c’est un film très attendu, il y a très peu de chance d’obtenir quelque chose, prévient Jacqueline. Sinon, ça marche parfois ». Et, quand arrive le Messie qui a une invitation à donner, les choses dégénèrent souvent. Mercredi soir encore, une bagarre a éclaté. « Ca arrive tous les jours: quand il y a 10 personnes qui demandent, et qu’il n’y a qu’une invitation, il y a 9 déçus à l’arrivée », raconte Alain, 53 ans, pragmatique. Alors, même si c’est strictement interdit, il arrive parfois que les places se vendent au plus offrant. « On ne m’a jamais proposé d’acheter une invitation, mais je l’ai vu faire 2 ou 3 fois, notamment pour 19h, les séances de montée des marches », indique Jacqueline. Trop de public pour trop peu de sièges, le revers du Festival.
[via] Bérénice Dubuc, 20minutes.fr
