Mireille Mathieu, une vie sous le signe de Piaf
« Ma frange, on peut ne pas aimer. Mais où que je sois, je retrouve cette coiffure. On la voit dans des défilés de mode. Des travestis l’ont adoptée, ça me fait plaisir ».
Mireille à la traîne ? Pas du tout.
La chanteuse est la première (avant Patricia Kaas) à sortir un album hommage aux cinquante ans de la disparition d’Édith. Et c’est normal. Alors, avec elle, on a parlé de Piaf, de la France, la frange, la musique militaire, l’affaire Pussy Riot… Mais on ne saura toujours rien de sa vie sentimentale !
Une suite au 6e étage du palace parisien Le Bristol. L’attaché de presse propose un café. Une femme entre dans la chambre. Scoop ! Mireille Mathieu a changé de coiffure. Ah non, c’est sa soeur et manageuse Matite et il y a plus qu’un air de famille.
Mireille reçoit dans le vaste salon
« Ici, c’est ma deuxième maison. J’y accueille souvent mes amis. Tout est parfait. On respecte votre… Enfin, personne n’est là à écouter ce que vous dites. Ma vie, ce sont les hôtels et la scène, dit-elle d’un débit rapide, coloré de son accent avignonnais. Sinon, je sors peu de chez moi, à Neuilly ». Dans un hôtel particulier où elle vit avec Matite. On n’en saura pas plus.
Comment se méprendre ? Mireille est plus petite, la bouche plus large, la célèbre frange parfaitement conforme : « On peut ne pas aimer. Mais où que je sois, je retrouve cette coiffure. On la voit dans des défilés de mode. Des travestis l’ont adoptée, ça me fait plaisir. »
Mireille Mathieu a 66 ans.
Ben oui. Elle ne les fait pas. Le bénéfice de ses neuf heures de sommeil quotidien ? Si l’on en croit son hérédité, elle devrait être là pour longtemps : « J’emmène ma maman (Marcelle, 90 ans) avec moi en tournée. Parfois, je la présente sur scène. Elle profite, maman. Elle a élevé quatorze enfants ».
Parlons Piaf
Mireille a anticipé le déferlement d’hommages attendu pour les 50 ans de la disparition de la môme (octobre 1963). Et on ne peut la taxer d’opportunisme tant les chansons d’Édith ont rythmé sa carrière : « J’ai commencé grâce à elle. En 1964, j’ai gagné un concours à Avignon avec La vie en rose, reprise à chacun de mes galas. Ensuite, la mairie a payé mon billet de train pour que je participe au Jeu de la chance, à la télé. C’est là que ça a commencé. Édith Piaf, c’est la plus grande. Elle est dans le coeur des Français. C’est la France. »
On évoque l’album imminent de Patricia Kaas. Le sourire se fige un instant : « Tout le monde peut chanter Piaf, c’est notre patrimoine. »
Mireille Mathieu chante Piaf, best of des plus célèbres airs, ne remplacera pas une bonne réédition de l’originale. Même si Mireille Mathieu est la dernière à rouler ainsi les r à l’ancienne. Et elle se dit fière des deux titres du disque enregistrés avec un orchestre symphonique : « Avec des synthés, ça n’a pas le même son. Vous avez aimé ? C’est un album 100 % made in France ».
La dernière à rouler les r à l’ancienne
Ah, la France ! Mireille Mathieu a toujours incarné, jusqu’à la caricature, cette conception gaullienne de la patrie. « Je suis Française et fière de l’être. Je chante surtout en français (N.D.L.R. : et en huit autres langues). Certains artistes font un complexe anglo-saxon. Pas moi. Oui, j’adore interpréter la Marseillaise. Cet été, devant la télé avec maman, on chantait en même temps que nos champions olympiques. »
Voilà pourquoi elle est l’invitée permanente du festival de musique militaire Spasskaya, sur la Place Rouge de Moscou : « Je suis un peu leur mascotte. Je chante avec des orchestres russes et français. La première fois, c’était avec la Garde républicaine du président Sarkozy. »
Mireille Mathieu n’a aucun complexe de ses rapports privilégiés avec la Russie (« Un grand pays, ami de la France »), ni de ses rapports cordiaux avec Vladimir Poutine. Sa récente dernière visite lui a laissé un moins bon souvenir. Interrogée par une journaliste russe sur l’affaire Pussy Riot (trois punkettes condamnées à la prison pour avoir entonné une « prière anti-Poutine » dans une église), elle répond qu’une église n’est pas le meilleur endroit pour protester. Elle, depuis trente ans, va une fois par an à Lourdes « remercier le Bon Dieu de m’avoir donné la chance de chanter ».
L’interview (tronquée) fait le tour du Web, passe à la télé, soulève un tollé. Son regard se fait dur : « J’ai été profondément blessée. » Elle a assigné pour « dénigrement » et « diffamation » les émissions Le petit Journal et On n’est pas couchés. D’autant que l’entretien se terminait par : « Étant femme, artiste et chrétienne, je souhaite la clémence ».
Ces dernières années, on l’a peu vue chez nous, mais beaucoup en Allemagne. Sur la lancée de cet album « piaffant », elle va enregistrer deux autres disques, en français et en allemand. Elle veut l’Olympia fin 2014, pour ses 50 ans de carrière, après une tournée allemande : « Pas de concerts en 2013, je suis superstitieuse ».
Pourtant, la dyslexique, gauchère contrariée qui confond toujours sa droite et sa gauche, et « forcément ne conduit pas », vit toujours pour la scène. Et, malgré un trac qui l’a jamais laissée en paix, « sans prompteur, pas de truc à l’oreille, c’est du pur, tout est naturel. J’ai besoin de sentir le souffle du public. C’est jouissif ! ».
[via] Philippe Richard, ouest-france.fr
