Eyjafjöll, le volcan qui préoccupe le monde bien plus que les Islandais
Sur un paysage lunaire se détachent de hautes volutes de fumées noircies par les cendres du volcan Eyjafjöll. Des cendres imprégnées de particules de glace, qui, depuis plusieurs semaines, au gré des vents, désorganisent le trafic aérien dans toute l’Europe et au-delà.
Vu de près, le volcan Eyjafjöll n’a pas l’air si terrible. Il n’a fait, en tout cas, aucune victime parmi les Islandais. Seuls quelques éleveurs ont dû abandonner leurs fermes. AFP
L’éruption du volcan islandais Eyjafjöll a semé la panique dans les aéroports de l’hémisphère occidental, et a causé des pertes chiffrées en centaines de millions de dollar aux diverses compagnies aériennes européennes. Pourtant, à le regarder de près, Eyjafjöll apparaît comme un « doux » volcan, pelotonné contre d’autres cratères, recouvert d’une calotte de glace.
Aucune victime
Malgré le tapage télévisé fait autour de ses nuages de cendres, ses explosions et ses coulées de lave incandescentes — sans doute moins bruyantes que le vacarme médiatique mondial fait autour de lui — force est de constater sur place que le volcan Eyjafjöll, sous le glacier Eyjafjallajökull, n’a fait jusqu’ici aucune victime, et peu de dégâts matériels. Seuls quelques fermiers des environs, leurs poneys, leurs troupeaux de moutons, ont eu réellement à pâtir du réveil du volcan.
Eyjafjöll se contente de rappeler mezza voce à l’humanité triomphante que la nature, même tenue en laisse, conserve tous ses droits.
Un « petit volcan »
Eyjafjöll est un petit volcan dans le secteur sud-est de l’Islande qui n’en compte pas moins de 130. Il est tapi auprès d’un de ses congénères autrement plus dangereux — une vraie force brutale de la nature capable du pire, disent les vulcanologues — mais heureusement assoupi jusqu’à présent, le redoutable volcan Katla.
Car l’éruption du Eyjafjöll vient rappeler que l’Islande — île peuplée seulement de 317 000 habitants entre l’Amérique du Nord et l’Europe — est le siège d’une intense activité volcanique. Les cinquante dernières années ont été marquées par une série d’éruptions spectaculaires, notamment celles de l’Hekla (1970, 1981, 1991, 2000), de l’Askja (1961), du Surtsey (1963) et d’Heimaey (1973), de la région du lac Myvatn (1975 à 1984)… Des éruptions qui ont donné naissance dans l’océan à une île, Surtsey, et à des îlots, Petite-Surtsey et Noël.
Nombre de ces cratères se situent sous les glaciers. C’est le cas du Eyjafjöll.
La mythologie du feu et de la glace
Voir la coulée de lave se frayer un chemin à travers les parois d’un glacier renvoie à la vieille mythologie nordique du combat entre le feu et la glace.
L’Islande — patrie des Sagas et des Eddas — est l’héritière d’un riche patrimoine littéraire médiéval. Peuple d’aventuriers des mers, de baroudeurs, aux racines à la fois nordiques et celtes, les Islandais ont connu jusqu’au siècle dernier l’isolement, des conditions de vie éprouvantes. Pour mémoire : au XVIII e siècle, à la suite de la catastrophique éruption volcanique du Laki et de la famine qui s’en est suivie, un Islandais sur cinq est mort de faim, ainsi que 50 % des bovins et 80 % des moutons. Au début du siècle dernier, fuyant la disette et les privations, 25 000 Islandais se sont dirigés vers l’Amérique, à la recherche de terres plus hospitalières.
[via] Serge Rabinovici, lalsace.fr