Sécurité routière. La technologie « endort-elle » l’automobiliste ?
On subit la technologie ou on se l'approprie.
Les voitures sont équipées d’aides à la conduite de plus en plus sophistiquées. « Face aux machines, le conducteur doit toujours garder l’esprit critique », rappelle le chercheur Thierry Bellet.
L’assistance à la conduite, c’est un progrès réel en terme de sécurité ?
Conduire est une tâche complexe et risquée. Il faut voir, analyser, tenir compte des autres usagers, anticiper et réagir aussitôt. Alors oui, l’assistance est plutôt un bien, un gain. Ces équipements se regroupent en deux grands pôles. Ceux qui diffusent de l’info (GPS, alerte anti-collision sonore…). Et ceux qui prennent plus ou moins le contrôle (freinage ABS…). Avec un régulateur de vitesse, le conducteur n’appuie plus sur la pédale, mais c’est lui qui doit veiller à maintenir les distances. Parfois, avec cette nouvelle répartition des rôles homme-machine, les gens sont perdus.
Davantage de technologie à bord, c’est moins de vigilance au volant ?
Question difficile ! Aucun outil d’assistance n’est, par nature, néfaste. Grâce à ces aides, le conducteur peut mieux se consacrer à l’analyse de la scène routière. Le risque ? Qu’il se désinvestisse, qu’il applique « bêtement » les consignes du système et, à plus long terme, qu’il perde ses propres compétences de navigation.
Quels pièges fréquents avez-vous recensés ?
Certains modèles de GPS vendus dans le commerce sont, certes, peu coûteux, mais aussi moins performants. En outre, ils ne sont peut-être pas compatibles avec les autres équipements de la voiture. Dans tous les cas, il n’est pas évident de déchiffrer ce petit écran, de faire le lien entre la réalité alentour et sa projection miniaturisée, abstraite. La machine vous indique : « Dans 200 m, tournez à gauche ». Mais cela représente quelle distance, 200 m ? Personne ne le sait exactement…
Quels sont les plus gros risques ?
L’accumulation « anarchique » de systèmes d’information et la saturation du conducteur. Une voiture véritablement « intelligente » doit intégrer ces aides pour en garantir une gestion centralisée. Sinon le conducteur sera dépassé par tous ces signaux lumineux ou sonores qui exigent de l’attention, qui peuvent donner au même moment des renseignements divergents, qui commettent des erreurs (un chantier qui vient de débuter ou un récent sens unique n’ont pas été pris en compte…).
Téléphoner en roulant : vous en pensez quoi ?
Des automobilistes se croient en sûreté avec les « kits mains libres ». Mais le téléphone distrait toujours. Quand il sonne, on regarde qui appelle. En cas de conversation, le conducteur réagit moins vite, il regarde fixement devant lui et néglige ses rétroviseurs, il peut avoir tendance à zigzaguer. La téléphonie de voiture reste à inventer : il faudrait, par exemple, coupler le téléphone avec de la cartographie afin de gérer les appels en fonction du contexte, différer la sonnerie lorsqu’on entre dans un rond-point, etc.
Que pensez-vous de cette affiche de la Sécurité routière qui montre un cerveau humain : « On ne fera jamais mieux comme équipement de sécurité dans une voiture »…
C’est éloquent. On subit la technologie ou on se l’approprie, c’est toute la question. L’essentiel est de garder son esprit critique face aux injonctions des machines. Ces systèmes ne dédouanent pas le conducteur des responsabilités qui lui incombent.
[via] Recueilli par Colette David, ouest-france.fr